Hiver 96

La norme, c’est ennuyeux. Alors pour sortir du lot, quoi de mieux que naître autiste, à une époque où ça s’appelait encore le syndrôme d’Asperger. Mais pour entamer ce récit comme il l’a été la première fois, par un être aussi inconscient du présent que naïf envers l’avenir, revoyons la scène comme je l’ai dépeinte autrefois.

Un matin d’accalmie après plusieurs jours de tempête, dans un hôpital à 150 kilomètres du domicile familial, Maman va accoucher. Le travail de Papa l’emmenant dans divers pays d’Afriques plusieurs mois par an, c’est près de chez mes grand-parents maternels qu’il a été prévu de provoquer la naissance.

Je ne suis pas en retard, et ce n’est pas pour correspondre aux missions de Papa, il n’a aucun pouvoir sur leurs dates. D’ailleurs, il est présent, et c’est plutôt pour ça, que l’accouchement est provoqué. Il n’a pas pu assister à la naissance de mon frère aîné, il sera donc le premier à me voir. Et pour avoir la gynécologue habituelle de ma mère plutôt que le médecin de garde, ça se fera en début de semaine.

Les deux versions parentales entremêlées, l’image m’inspire une étrange curiosité. Allongée sur le lit, entourée de sages-femmes, Maman fait son travail. De son côté, Papa bloque la porte de la salle avec son pied pour empêcher toute autre personne masculine d’entrer dans la pièce. Quand je viens au monde, il est donc le premier (homme) à m’avoir vue. Il me racontera plus tard, en souriant :

  • Tu m’a regardé avec des yeux méchants, j’ai jamais vu un regard aussi violent de ma vie.

Suite à venir.

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